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Séance Plénière Octobre 2024 – Discours liminaire Kévin Faure

Texte intégral :

Monsieur le Président, chers collègues,

Tout d’abord je tiens à saluer l’arrivée de Tristan Foveau, notre nouveau collègue conseiller départemental du Finistère. Je sais pouvoir compter sur son expérience brestoise et sa pugnacité pour contribuer aux combats que nous portons dans cette salle depuis 2021. Je lui souhaite chaleureusement la bienvenue dans cette salle sur les rangs de Finistère et Solidaires, et je l’accompagnerai avec bienveillance dans la découverte des politiques départementales. 

Alors que les désordres géopolitiques s’intensifient, que les crises mondiales, environnementales et sociales se durcissent, notre pays a pu connaître une vraie bouffée d’oxygène cet été avec les jeux olympiques et paralympiques. Moment de ferveur et d’une fraternité hélas aussi intense que rare, notre pays a rayonné de la 1ère note de la cérémonie d’ouverture, à l’extinction de la flamme. J’ai une pensée fraternelle et des remerciements appuyés pour les 30 athlètes Finistériens qui ont participé aux épreuves dans des sites grandioses et adaptés pour l’occasion. Ma collègue Jacqueline Héré y reviendra tout à l’heure sur le rôle du sport dans notre société.

Cette bouffée d’oxygène est-elle consommée ? Hélas, la rentrée politique tant gouvernementale que parlementaire a remis les français dans un quotidien incertain. Car si l’institution olympique demeure renforcée et rayonnante après Paris 2024, ils n’en est pas de même pour les institutions françaises braquées par un macronisme indéboulonnable. 

Ces enjeux ne concernent pas uniquement un cercle restreint de partis politiques, ils sont au cœur des préoccupations des Finistériens, qui attendent de nous des positions claires.

Alors qu’aujourd’hui se déroule la Journée mondiale du refus de la misère c’est l’occasion aussi de penser à celles et ceux qui souffrent, à celles et ceux qui basculent chaque jour dans la précarité et nécessitent une plus grande preuve de solidarité nationale. 

En faisant 60 milliards d’euros dont 5Mds sur le dos des collectivités, c’est bien là une curieuse idée pour soutenir celles qui ont été les 1ères appelées pour gérer localement la crise COVID et les urgences sociales : nos villes, nos départements et nos régions. 

Une ligne de front s’installe entre Bercy et la province ou les “territoires” selon les termes désormais consacrés. 

Tout cela montre beaucoup d’incohérences, tant au niveau national qu’au niveau départemental, comme on peut le constater dans l’action de l’Alliance pour le Finistère.

Première incohérence, politique d’abord : au sein de la droite départementale, on ne sait plus qui soutient Michel Barnier et qui, comme vous, critique déjà ses choix budgétaires. Votre vice-présidente Véronique Bourbigot a déclaré mardi à Brest qu’elle soutenait Michel Barnier dans sa recherche de solutions (malgré ce budget irresponsable) et proposait même de réinventer les contrats de Cahors. Mais aujourd’hui à Quimper, est-ce toujours le cas ? Soutien à Michel Barnier ou alignement avec la majorité départementale ? Sérieusement, voulez-vous ré-installer une nouvelle version des contrats de Cahors,qui ont étranglé les collectivités locales avant le COVID ?

Deuxième incohérence : critiquer l’État pour malhonnêteté quand on l’est soi-même. Honnêtement, je suis à deux doigts de proposer de renommer le boulevard Dupleix entre la Maison du Département et la préfecture en « boulevard de la malhonnêteté et du mensonge« . Qui, de vous ou de l’État, remporterait la médaille d’or dans ce domaine ?

Prenons la vidéo de l’inauguration du centre de formation du SDIS, où vous affirmez que c’est après les incendies des monts d’Arrée que vous avez décidé de le financer. Or, cette décision date bien d’avant votre élection, et avant les incendies de 2022. Autre exemple : vous avez annoncé une aide exceptionnelle d’un million d’euros à Don Bosco, mais en réalité, c’était une somme déjà due.

Encore une incohérence de l’État, qui annonce la prime Ségur pour tous, sans débloquer un euro pour les collectivités. Vous avez d’ailleurs qualifié Catherine Vautrin, ex-ministre de la santé, de “votre amie” il y a deux semaines au carrefour des communes à Brest. Curieuse notion de l’amitié quand on se fait ainsi maltraiter. Personnellement, quand je décide d’acheter quelque chose dans un magasin, je paie en sortant :  mais l’État semble l’oublier.

Incohérence également de votre part : vous dénoncez la situation budgétaire du Département, annonçant devoir réduire les politiques publiques, tout en finançant la lutte contre le trafic de drogue, les polices municipales, la location d’un hélicoptère (j’y reviendrai), ou encore la location d’une demi-voile de bateau pour le Vendée Globe. Ces sujets sont importants, mais le rôle et l’effet levier du Département en la matière est à questionner car cela mobilise des millions d’euros et accentue la crise budgétaire. On me tire dans le pied droit, et je me tire dans le pied gauche… difficile d’avancer.

Encore perdant à l’habituel concours de circonstances des remaniements ministériels, je notre votre envie de devenir Ministre du Finistère : tout ce qui s’y passe doit impérativement s’animer et se résoudre sous votre seule autorité. Compétent ou pas, où Maël passe, la clarté et la cohérence des compétences trépasse.

Alors vous haussez le ton vis-à-vis de l’Etat quand il y a quelques années, avec les mêmes incohérences vous faisiez profil bas. Peut-être était-ce pour dorer votre CV voire vous permettre d’accéder au bureaux ministériels pour glaner ici ou là des CNR ou des visites en Finistère. 

Je propose, à titre de provocation, d’installer un compteur sur la façade de notre maison départementale, indiquant : “Ici, l’État nous doit des millions d’euros”. On pourrait l’augmenter de 3 millions d’euros chaque semaine, car pas moins de 150 millions d’euros nous sont dus chaque année par l’État : RSA, protection de l’enfance, Ségur, etc.

Avant de terminer sur la situation du médico-social et notre séance du jour, je voulais partager ici un étonnement. 

Il est d’usage que la commission des finances de l’assemblée nationale soit présidée par un membre de l’opposition afin d’être garant des bonnes finances publiques. Parlementaire, le député qui préside cette commission “fabrique” la loi mais contrôle également l’action du gouvernement.

Qui était président de cette commission des Finances de 2017 à 2022 ? Eric Woerth dont chacun se questionnera de savoir s’il est dans ou dehors de la macronie, donc opposant ou soutien. N’a t il rien vu ? Qu’à t’il fait pour contrôler l’action de Bercy ? 

Mais en y regardant bien, notamment ses propositions dans le rapport commandé par le Président de la République l’année dernière sur la décentralisation, n’est il pas complice d’organiser la défaillance des finances publiques et plus précisément pour détruire les budgets des Départements ? L’année prochaine, 85% des départements en France vont se retrouver dans une impasse budgétaire, et nous en ferons partie. Déjà cette année, les départements subissent 6 milliards de pertes sèches sur nos recettes alors que nous assumons 17 milliards de dépenses au nom de l’Etat ! Mais nous, contrairement à l’Etat, nous dépensons seulement l’argent que nous avons. 

Pourquoi ces gouvernements de droite en veulent tant aux Départements ? 

La question mérite d’être posée et la responsabilité de cette mauvaise gestion nationale étudiée. 

Journée mondiale du refus de la misère ce jeudi, et notre Département fait-il exception ? A la lecture de l’ordre du jour de cette séance, on pourrait le penser, puisque hormis un vœu sur le médico-social (dont les 3 groupes d’opposition déposeront un amendement pour chercher la concorde et l’unanimité politique), aucune délibération pour apporter de nouvelles réponses aux bascules dans la précarité. Pour une commission qui représente 60-70% des 1,3 md d’€ au budget, c’est un peu léger…

Enfin, un sujet de préoccupation majeur pour le secteur du médico-social dans le Finistère, c’est le PSE chez Don Bosco et une forte inquiétude de tous les acteurs du médico-social dans notre Département. 

À lire vos courriers et vos réactions, en prenant quelques libertés vis-à-vis de la vérité dans la presse, on pourrait presque croire qu’il n’y a pas de responsabilité du Conseil départemental dans l’accélération de la fragilité des dispositifs. Or, c’est bien le Conseil départemental sous votre impulsion qui a réformé les modalités d’intervention dans le champ de l’insertion, via un appel à projet annuel auquel les structures doivent répondre pour bénéficier de crédits départementaux. Ces appels à projets sont des poisons pour les structures associatives car, la mise en concurrence permanente entre les acteurs et l’impossibilité de projection pluriannuelle sur des ressources empêche la pérennité de dispositifs efficaces et la sécurité d’une masse salariale

Vous effectuez à l’envie des comparaisons budgétaires entre 2015 et 2021 puis entre 2022 et 2024, en comparant des grandes masses budgétaires. Cependant, personne n’est dupe : 1 euro de 2024 n’a pas la même valeur ni le même poids qu’1 euro de 2015 ou 2017. 

D’une inflation moyenne inférieure à 2% entre 2015 et 2021, c’est désormais plutôt proche des 5-6% depuis 2022. 

Lorsque 4,5M€ sont attribués en plus entre 2015 et 2021, ce sont 4,5M€ qui sont attribués en plus entre 2022 et 2024, mais intégrant les primes Ségur et une augmentation des dépenses d’énergie très significative depuis 2 ans. Permettez moi de douter très sérieusement de ces comparaisons financières si elles ne sont pas faites en intégrant l’inflation et le contexte budgétaire national en constante dégradation depuis des années.

De plus, les sommes évoquées sont à manipuler avec prudence sur ces dernières années puisque Don Bosco arrêtant des dispositifs, rend ou restitue de l’argent au Conseil départemental. Ceci doit être intégré sur le volume 2024 et dans la préparation du budget 2025.

Vous parlez du passé très souvent mais n’oublions pas que dès Décembre 2021, je vous ai demandé de positionner le Conseil départemental en médiateur du Ségur en Finistère pour coordonner son application et appeler à davantage de recettes nationales : vous avez balayé cette proposition d’un revers de main, alors que cela aurait été fort utile actuellement. Cela aurait peut être contribué à la mobilisation nationale pour un financement national des primes Ségur, dont le ministre des comptes publics vient d’annoncer cette semaine que le Ségur de la Santé n’avait pas été financé… Et on reconduit le même personnel politique dans les ministères ? Quel amateurisme !

En Juin 2022, nous vous demandions la mise en place d’une mission d’information et d’évaluation sur la situation des EHPAD en Finistère pour évaluer l’offre, évaluer la qualité auprès des usagers et analyser les conditions de travail des professionnels : refus catégorique de votre part, empêchant d’avoir une analyse collective, objective et éclairante de la situation. 

Éclairer les décideurs est essentiel. Je l’évoquais cette semaine : pour pouvoir tourner le thermostat des politiques sociales au bon niveau, il faut un thermomètre qui fonctionne. La réinstallation de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance très rapidement est indispensable tout comme les autres observatoires comme sur l’habitat par exemple. La sécurisation des financements à l’Adeupa permettrait aussi de contribuer à la productivité de rapports prospectifs et éclairant les choix politiques à prendre.

Plus globalement, la préoccupation n’est finalement pas de savoir ce qui a été fait, mal fait, bien fait par le passé : c’est de savoir quelle approche le Conseil départemental entend avoir pour l’avenir. Quel modèle des politiques de solidarité entendez-vous conduire, vous qui assumez ne pas vouloir fixer de cap et d’objectifs pour le Finistère ?

On peut se réjouir qu’une conférence départementale du médico-social se tienne, avec l’ARS et le Conseil départemental, c’était une attente des acteurs, à laquelle vous accédez.

Je serai particulièrement attentif que cette conférence ne soit pas le nouveau comité de pilotage annuel État-Département après les Copil Monts d’Arrée en 2022, les Copil Ciaran en 2023, le Copil Médico-social en 2024 ? 

Les acteurs ne sont pas dupes, ils attendent des actes. 

Vous pourrez à loisir écrire et communiquer sur la situation passée (en oubliant de rappeler surtout que vous siégez ici depuis près de 10 ans et que votre positionnement était bien timide entre 2015 et 2021 surtout quand vous appeliez à la baisse de la masse salariale…). 

L’urgence, c’est de préserver ce modèle singulier du médico-social, reposant sur l’Économie Sociale et Solidaire avec des associations et des fondations nombreuses et pertinentes en Finistère. 

Vouloir préserver ce modèle, c’est avant tout éviter toute mise en concurrence et je vous propose de prendre l’engagement ferme de ne pas encourager et de ne pas soutenir des acteurs privés lucratifs dans le champ des politiques départementales en Finistère. Cela serait un engagement fort, pour rassurer tous les professionnels et pour conforter un modèle finistérien qui traverse une crise conjoncturelle et structurelle. 

Rassurer les professionnels d’aujourd’hui, donner des gages d’un soutien et d’une pérennité du modèle, c’est aussi préparer l’avenir et éviter une crise de vocations qui bouleverserait davantage les recrutements dans les prochains années.

C’est une chance que se soient construites ces grandes associations en Finistère, par des parents, par des bénévoles dont l’objectif premier était d’apporter des solutions aux bénéficiaires. C’est une démarche d’engagement social et sociétal qui se fait rare aujourd’hui, tant des acteurs privés lucratifs nationaux viennent ou souhaitent venir capter des parts de marché dans le champ de la Dépendance, de l’accompagnement à domicile et du social en général. 

Ne pas subir, est la devise que vous prononciez lors de votre élection de Président du Conseil départemental. Ne subissons pas le poids majeur de ces groupes économiques qui s’intéressent davantage à faire tourner leurs modèles lucratifs orientés rentabilité plutôt que d’être en appui des services publics universels et solidaires.

Je vous remercie.