Ouest-France : Finistère & Solidaires : les priorités de l’opposition
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Les leaders de l’opposition départementale Finistère & Solidaires, Kévin Faure et Armelle Huruguen, présentent les ambitions du groupe en cette rentrée 2023.
Ouest France (Nord-Finistère) 29 Sep 2023 Entretien Recueilli par Rosemary BERTHOLOM.
En cette rentrée politique, quelles sont les principales préoccupations de l’opposition ?
Kévin Faure : Selon nous, il y a un manque d’anticipation et de prévention. On le constate sur cinq items : l’enfance, la mutation du territoire, la perte d’autonomie, la crise sociale et la dégradation des situations pour tous les Finistériens (crise démocratique et perte de confiance en l’action publique).
Sur le champ de l’enfance, quelles sont vos propositions ?
Kévin Faure : Le secteur de la protection de l’enfance est en perpétuelle mutation. Il y a un certain nombre de dispositifs de prévention et de soutien à la parentalité mis en place. Une des mesures récentes de la majorité départementale a été de réduire, voire supprimer les lieux d’accueil parents-enfants à Brest, à Quimper… Selon nous, c’est un non-sens humain, social et budgétaire. Toute la prévention qu’on ne fait pas, c’est autant de jeunes qu’on va probablement retrouver, demain, dans le champ de la protection de l’enfance. Pourquoi ? Puisqu’il y aura eu une défaillance potentielle dans la parentalité ou dans la prise en charge des premiers âges de la vie. De cette réduction budgétaire dans les premiers âges de la vie, cela se transformera en une augmentation des besoins, notamment budgétaires dans les âges futurs de ces mêmes enfants.
Le Département annonce pourtant un nombre important de recrutements d’assistants familiaux… Cela vous satisfait-il ?
Kévin Faure : Il y a eu beaucoup de choses annoncées, durant la campagne électorale notamment. Il y a ce qu’on peut annoncer dans un pacte, un plan ou une campagne électorale… Et la réalité. On a eu des difficultés, durant des années, à recruter des assistants familiaux parce qu’il y avait un déficit de notoriété. Avant que le mandat ne se termine, il y avait eu une revalorisation salariale assez forte. Un des éléments de bilan qu’on verra à la fin du mandat, c’est s’il y a eu ou non 300 assistants familiaux recrutés dans le Finistère.
En cette rentrée, vous mettez aussi en cause la politique d’attractivité et la question du logement. Pourquoi ?
Kévin Faure : On reçoit des recettes pour prévenir la mutation du territoire, notamment avec les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). On a besoin d’être dans l’anticipation. Notamment sur le logement et pas uniquement le logement social. Ce serait bien d’installer une sorte de régulation qui permette de contrer, parfois, une certaine dynamique immobilière.
Faites-vous référence à Airbnb ?
Kévin Faure : Par exemple. Ou encore aux résidences secondaires. Les besoins en termes de logements résidentiels et de logements saisonniers viennent se télescoper. On pense qu’il est nécessaire, non pas d’arrêter mais, dans la période qu’on traverse, de suspendre, les campagnes ou encore les dynamiques qui visent à l’attractivité du Finistère. Qu’on y mette de l’argent public ou non, naturellement, elle se fait. Voire, elle se fait trop vite. Même les acteurs économiques tirent la sonnette d’alarme en disant que les salariés ont du mal à trouver des logements, les nouveaux collaborateurs aussi. On voit qu’il y a une certaine incohérence entre davantage de communication et du marketing territorial… Alors qu’on a de grosses tensions sur nos besoins en logements. On ne défend pas un repli du Finistère sur lui-même. Vraiment pas. Mais, il faut suspendre, tout de suite, le redéploiement de la marque.
Dans cette crise du logement, quel regard portez-vous sur la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ?
Armelle Huruguen: Ce n’est qu’un outil, l’arbre qui cache la forêt. Il devrait y avoir une coordination logements à l’échelle du département. Tant en matière de logement public, privé, en logement collectif et individuel. Peu importe ce dont on parle. Il faut bâtir avec des intercommunalités des stratégies et essayer de voir comment faire autrement. La question foncière va nous rattraper alors qu’on privatise beaucoup le foncier. On avait voté l’office foncier solidaire. On aurait pu être en avance, on est maintenant en retard. Les prix ne vont pas faire marche arrière jusqu’à ce qu’ils étaient il y a quatre ou cinq ans. Ce n’est pas vrai. Quand cela se croise avec l’augmentation des taux d’intérêt, cela devient insurmontable pour les ménages modestes. Ce n’est juste pas possible.
En ce mois de septembre, vous évoquez également la perte d’autonomie…
Kévin Faure: On le sait, la population finistérienne âgée de plus de 65 ans aura doublé entre maintenant et 2050. Il faut anticiper la question du Grand âge. Il faut pouvoir vivre à domicile pendant un temps long, il faut développer les résidences intermédiaires publiques alors qu’il y a la question de l’accessibilité financière de ces structures, il y a également la question de l’offre en Ehpad en nombre, qualité et accessibilité financière. Deuxième carton jaune sur l’anticipation sur ce sujet-là. En juin 2022, en session, on a demandé la mise en place d’une mission d’information et d’évaluation sur la qualité de l’offre des Ehpad en Finistère. La ministre Aurore Bergé, cet été, a alloué une modeste enveloppe pour les Ehpad finistériens… Et invite à la mise en place d’une mission, également, alors qu’on nous avait dit non quelques semaines plus tôt. C’est dommage, on aurait pu avoir un an d’avance sur ce sujet-là. Le modèle souffre structurellement, c’est là où le devoir est d’interpeller, de travailler avec l’Assemblée des départements de France, de faire bouger les lignes à l’échelle nationale pour qu’enfin cette question de la dépendance soit majeure. Le reste à charge pour les familles doit être abordable.
« On fait avancer ce qui nous semble juste »
Vous développez vos items mais on vous entend peu, voire pas du tout en dehors des sessions…
Kévin Faure : C’est un point qui peut engendrer de la frustration dans notre groupe. Profondément même, chez moi, chez Armelle Huruguen… On prend un temps de préparation des séances, en collectif, pour être à la hauteur du débat de fond. On prend vraiment le temps. Et, au final, quand on fait l’analyse de ce qui en reste, nous sommes extrêmement frustrés.
Pour autant, ce qui me rassure, c’est que, dans le collectif, on arrive à structurer nos idées, à les formaliser. On a une lettre d’information… Il y a une stratégie d’effacement qui est perturbante pour nous. Je m’interroge toujours de savoir ce qu’il en reste dans l’opinion des Finistériens et des agents. De plus en plus écoutent les séances, en direct. Nous sommes parfois interpellés.
Armelle Huruguen :On va prendre en main notre propre communication. On existe et on défend, on rend visible, le débat, nos valeurs, par tous les canaux qu’on peut. Et dans tout le Finistère. À l’époque, nous avions des candidats dans quasiment tous les cantons du département, il ne faut pas l’oublier.
Kévin Faure : L’an dernier, en octobre, la question du quorum avait été un sujet. On ne veut pas être une opposition qui s’oppose et obstrue le débat.
Il y a des sujets sur lesquels on est d’accord. On ne va pas être, nous même, une source de fragilisation du service public, des politiques publiques départementales. On fait avancer ce qui nous semble juste. On a une position de vote par rapport à la fidélité de ce à quoi on croit.
« Le climat social est en train de se dégrader »
Les leaders de Finistère & Solidaires mettent en avant la crise sociale et démocratique. Pour Kévin Faure, « on a tout le climat social qui est en train de se dégrader. Je ne crois pas que les pansements proposés à l’échelle nationale ou départementale, derrière tous les pactes, répondent aux problèmes structurels. Problèmes qui sont profonds. »
Il évoque la question de l’alimentation. « On a déjà beaucoup évoqué la question de la tarification sociale dans les collèges. On a, aussi, à plusieurs reprises, proposé d’accompagner davantage la Banque alimentaire et les épiceries solidaires qui ont davantage de personnes qui ont besoin d’eux, moins de budget, et moins de bénévoles. À Brest, je salue la mesure, face à l’inflation, de gel de l’augmentation des tarifs des repas dans les écoles. » L’opposition évoque aussi « la crise démocratique ». « Il y a les crises : Gilets jaunes, tensions urbaines, agressions vis-à-vis des élus… Ce sont des signaux extrêmement forts qui nous montrent qu’il y a davantage de défiance. » Pour Kévin Faure, « la collectivité, a sans doute des leviers pour, à la fois, analyser et essayer de retisser ces liens de confiance… »
Le socialiste évoque aussi « la société du travail ». « Elle est portée médiatiquement, mais elle m’interroge. Idéologiquement, et concrètement. La seule solution à tous les maux des Français n’est pas que celle d’aller travailler alors que les gens qui travaillent déjà ne s’en sortent pas pour une bonne partie. »
Kévin Faure regrette : «Il y a le dispositif d’insertion professionnelle qui a été totalement refondu l’an dernier. Cela a été remplacé par un appel à projets. On objective toutes les structures. Faute de pouvoir se projeter, cela fait reculer les structures associatives. »